Après l'annonce du président de la République quant à une réouverture progressive des écoles à partir du 11 mai, certains professeurs menacent d'exercer leur droit de retrait. En auront-ils le droit ?
Leur exaspération est au plus haut. Depuis l'allocution du président de la République, ce lundi 13 avril, les syndicats enseignants ne cessent de clamer leur incompréhension à l'égard des annonces prononcées par Emmanuel Macron. "À partir du 11 mai, nous rouvrirons progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées", a-t-il promis lors de son adresse aux Français. Et de préciser : "Le gouvernement, dans la concertation, aura à aménager des règles particulières : organiser différemment le temps et l'espace, bien protéger nos enseignants et nos enfants, avec le matériel nécessaire". Oui mais voilà, le personnel de l'Éducation nationale compte 1,1 millions de personnes dont près de 870.000 enseignants. Et dans les établissements scolaires du premier comme du second degré, on compte un peu plus de 12 millions d'élèves… Pourront-ils, tous, être protégés ? Sceptiques, de nombreux professeurs pensent déjà à exercer leur droit de retrait. LE RISQUE DES RETENUS SUR TRAITEMENT Depuis maintenant pratiquement 25 ans, par le décret n° 95-680 du 9 mai 1995 relatif à l’hygiène, à la sécurité du travail et à la prévention médicale, les agents de la fonction publique, dont les enseignants, peuvent mettre en oeuvre leur droit de retrait en cas de "danger grave et imminent". Selon ce texte, "si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection", un professeur peut donc se mettre en retrait. Pour cela, cet agent doit informer et lancer individuellement une "alerte" auprès de son autorité administrative ou de son représentant (Inspecteur de l’Education nationale ou chef d’établissement). Et cela sans qu'aucune sanction ou aucune retenue de salaire ne puisse être prise à l'encontre de cet agent si ce retrait est justifié. Mais dans les faits, notamment dans le contexte actuel, c'est bien plus compliqué à en croire plusieurs spécialistes de la question.
Spécialisé en droit de l'éducation, Bruno Roze est avocat au barreau de Paris. Selon lui, la possibilité d'user ou non de son droit de retrait en temps d'épidémie de coronavirus dépend de plusieurs paramètres difficilement anticipables à ce jour."Par exemple, si le virus a perdu en influence et, donc, si le nombre de cas a diminué, il y a de fortes chances que leur droit de retrait ne soit pas valide", détaille-t-il. Car, si le professeur peut se mettre en retrait sans demander l'aval de sa hiérarchie, l'administration peut malgré tout juger ce retrait"invalide"postérieurement. Ainsi, l'enseignant s'expose donc à des retenus sur traitement… D'où l'importance de prendre quelques précautions.