Par Martin Paccoud • Publié le 12/10/2016 à 17:06 • Mis à jour le 11/06/2021 à 13:28
Chaque année, des tensions surgissent autour de la définition de ce qui est jugé comme une «tenue scolaire correcte».
Avec le printemps et la chaleur qui revient, les tenues raccourcissent, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Des élèves se plaignent des remarques des surveillants quant à leur tenue: shorts, débardeurs, robes jugées trop «sexy», crop top.... Des reproches qui mettent en rage certaines qui jugent ces interdictions sexistes et ne se privent pas de le faire savoir sur les réseaux sociaux.
Des règlements plus ou moins stricts
C’est dans les écoles privées, de manière générale, que le règlement est le plus ferme. Il interdit bien souvent les tenues de sport en dehors des heures d’EPS, les pantalons troués, les shorts trop courts, ou les hauts trop dénudés. Le collège Stanislas, à Paris 6 ème va plus loin, et détaille dans son règlement intérieur que seuls sont admis les «chemises, polos, tee-shirts, chandails, couvrant la taille et les épaules, non décolletés, non transparents et adaptés à la taille de l’élève». On notera l’utilisation du mot «chandail», qui avait été perdu de vue ces 30 dernières années. À Stan, la surveillance des tenues est un combat de chaque instant. Un ancien collégien raconte: «Une fois, le préfet des 4 ème-3 ème, excédé de voir trop d’élèves avec des chaussures non conformes, avait décidé de les confisquer pendant une journée, réduisant les collégiens à se promener en chaussettes dans l’établissement!». Il se souvient que «le règlement était suivi de manière plus ou moins stricte par les différents préfets».
Un jugement laissé à l’appréciation des surveillants
Pour les établissements publics, les règles sont plus souples. On peut lire dans la charte des règles de civilité du collégien, disponible sur le site du ministère de l’Éducation nationale, que les élèves doivent entrer au collège avec une tenue vestimentaire «convenable». «Convenable» prend un sens différent selon les établissements. Dans certains règlements intérieurs, des vêtements sont explicitement interdits, comme les tongs ou les «jupes ultracourtes», et dans d’autres cas l’établissement ne mentionne que les vêtements «destinés à cacher le visage» ou à «manifester ostensiblement une appartenance religieuse», c’est-à-dire ceux interdits à l’échelle nationale. La réglementation autour des tenues vestimentaires reste, le plus souvent laissée à l’appréciation des personnes en contact avec élèves. Ce qui provoque des tensions. «On m’a dit que j’étais habillée ‘comme une prostituée’, que je ‘ne me respectais pas’» raconte cette élève choquée, en Khâgne dans un lycée public de banlieue parisienne.
Des règles définies dans le règlement intérieur
Mais est-ce légal d’imposer une tenue «correcte» à l’école? «Le cadre juridique sur les ‘tenues correctes’ reste assez flou», répond Valérie Piau, avocate de l’éducation et auteur du Guide Piau: les droits des élèves et des parents d’élèves (L’Étudiant). «La loi n’interdit que le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse, ainsi que tout vêtement recouvrant le visage». La notion de «tenue correcte» est définie par les directeurs d’établissements, qui peuvent détailler les interdictions dans leur règlement intérieur. Néanmoins, ils ne décident jamais seuls: la rédaction du règlement est réalisée par un conseil d’administration composé à la fois par la direction, les enseignants, les personnels, les élèves et les parents d’élèves.»
«Dès lors qu’une proposition est adoptée par la majorité, les parents et les élèves peuvent la contester auprès du conseil d’administration. Si celui-ci ne vote pas en faveur de sa modification, ils peuvent solliciter le rectorat ou l’inspecteur d’académie afin de vérifier la légalité de ladite proposition», détaille Valérie Piau.
Hygiène et sécurité comme autres motifs d’interdiction
Certains vêtements peuvent aussi être interdits pour des raisons de sécurité. «Les tenues vestimentaires doivent être conformes aux règles d’hygiène et de sécurité et être adaptées aux activités suivies, notamment aux activités sportives et de travaux pratiques en laboratoire. Dans ce dernier cas, ne peuvent être admis notamment les vêtements ou accessoires flottants ou facilement inflammables, ou susceptibles d’entraver le port des équipements de protection individuelle», indique, par exemple, l’article 28 du règlement intérieur de l’université Paris Descartes.
Et pour éviter la fraude... Ce même règlement stipule que pour «prévenir toute fraude ou tentative de fraude [lors d’un examen], le port de tenue ou de signe quelconque ne doit pas rendre impossible ou difficile l’identification de la personne ou être susceptible d’engendrer un doute sur son identification».
L’uniforme coupe court au débat
Certains établissements choisissent de répondre au problème en imposant des uniformes. Cette solution a été retenue à Saint-Jean de Passy, un établissement privé parisien du XVIème, à la rentrée 2017, pour les élèves de la 6ème à la 2nde. L’établissement justifie son choix sur son site internet, en expliquant qu’il permet d’endiguer «les jeux d’apparence, [qui] l’emportent trop souvent sur la recherche de la simple dignité de la personne». On trouve aussi des uniformes dans les établissements publics, comme en Martinique, où près d’un tiers des établissements, publics ou privés, a recours à ces tenues, selon le journal France-Antilles. Mais aussi dans les deux Maisons d’éducation de la Légion d’honneur qui scolarisent un millier d’élèves en région parisienne, de la sixième aux classes préparatoires. La tenue est composée d’un chemisier blanc, une robe d’uniforme, des chaussettes blanches ou bleues et de chaussures type mocassin. C’est aussi le cas dans les collèges et lycées militaires.
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