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"Les enfants harceleurs se défendent toujours en minimisant les faits »

Source : Libération, le 19.03.2021, par Cécile Bourgneuf


De l’avertissement à l’exclusion, les élèves s’exposent à des sanctions graves au sein de leur établissement. La loi considérant le harcèlement scolaire comme une infraction, les affaires les plus graves peuvent même être jugées pénalement.


Blâme, mesures de responsabilisation, peine de prison : que risquent les élèves harcelant d’autres enfants au sein de leur établissement scolaire ? Réponses avec Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation et autrice du Guide Piau : les droits des élèves et des parents d’élèves

(éditions L’Etudiant).


Quelle est la réponse de l’Education nationale en cas de harcèlement scolaire ?

Il n’y a pas de sanction disciplinaire spécifique au harcèlement scolaire. En revanche, depuis 2019, il est interdit par le code de l’éducation : l’articleL511-3-1 dispose qu’aucun élève ne doit subir de la part d’autres élèves des faits de harcèlement. Les sanctions prononcées ensuite ne sont pas spécifiques au harcèlement et vont du blâme et de l’avertissement à l’exclusion temporaire (huit jours au maximum) en passant par des mesures de responsabilisation – un peu l’équivalent du travail d’intérêt général. L’exclusion définitive peut aussi être envisagée, mais elle n’est prononcée que par le conseil de discipline. Ces sanctions doivent intervenir rapidement pour mettre fin au harcèlement le plus vite possible. De même qu’un employeur est responsable de la sécurité de ses salariés et doit veiller à ce qu’ils ne soient pas victimes de harcèlement sur leur lieu de travail, l’établissement scolaire doit assurer la sécurité des élèves et agir contre ces comportements.


A quoi s’expose un harceleur pénalement ?

De plus en plus de familles portent plainte lorsque les faits sont graves. Les procédures sont relativement longues et les condamnations ne sont pas très nombreuses puisque la loi est encore récente. L’infraction ne date que de2014, avec l’introduction de l’article 222-33-2-2 dans le code pénal, qui sanctionne pénalement le harcèlement scolaire dans le cadre d’une infraction générale, au titre du harcèlement moral. Selon la gravité des faits, le harceleur s’expose à des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et15 000 euros d’amende. Si le harcèlement a été commis par un groupe, on passe à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Il y a ensuite des circonstances aggravantes comme lorsque les faits sont commis sur un mineur de 15 ans, lorsqu’il y a eu un arrêt supérieur à huit jours, ou encore lorsqu’il y a du cyberharcèlement.


De plus en plus de familles portent plainte lorsque les faits sont graves. Les procédures sont relativement longues et les condamnations ne sont pas très nombreuses puisque la loi est encore récente.


Et dans ce cas ?

La peine maximale est de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. L’élève est responsable pénalement mais, lorsqu’il est mineur, ce sont ses parents qui s’exposent aux condamnations civiles d’indemnisation des victimes. Cette réponse est par ailleurs souvent lente compte tenu des délais d’enquête par la police et de convocation par les tribunaux. Et les condamnations pénales des moins de 13 ans sont rarissimes.


Faut-il créer une infraction spécifique au harcèlement scolaire comme le propose le député Modem Erwan Balanant qui a remis en octobre un rapport sur ce sujet au gouvernement ?

Cela aurait l’avantage pédagogique de créer la peur du gendarme, avec une ffet dissuasif pour les élèves. Les harceleurs se défendent toujours en minimisant les faits, en expliquant que «c’était pour rire».

Pour qu’ils prennent conscience de la gravité de leurs actes, ils doivent savoir que c’est une infraction pénale. Cette proposition permettrait de faire du «sur-mesure» sur le harcèlement scolaire qui nécessite une double réponse à la fois sur le plan scolaire et sur le plan judiciaire dans les cas les plus graves.


Sanctions disciplinaires, pénales, n’y a-t-il pas d’autres solutions pour que les harceleurs prennent conscience de leurs actes ?

La punition est efficace car les jeunes n’ont en général pas envie d’être exclus de leur établissement ni de se retrouver dans un commissariat avec leurs parents. Mais la punition ne suffit pas bien sûr. Il faut un travail de prévention en amont et un accompagnement des harceleurs comme des victimes. Car si le harceleur ne réalise pas la gravité des faits commis, il peut ensuite continuer dans sa vie d’adulte. Le harcèlement au travail peut prendre racine dans un harcèlement scolaire qui n’a pas été sanctionné. Il faut donc casser cette chaîne.




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