LA VÉRIFICATION - C’est ce qu’a déclaré sur BFMTV Hugo Martinez, le président d’une association de lutte contre le harcèlement, lui-même ancien harcelé. Est-ce bien le cas ?
LA QUESTION. Alors que tous les yeux sont braqués sur Argenteuil, ville où une adolescente de 14 ans est morte lundi, après avoir été harcelée des semaines durant, pour le jeune Hugo Martinez, le harcèlement scolaire « entre enfants, entre élèves » est « impuni » en France. Sur BFMTV mardi, celui qui préside une association de lutte contre le harcèlement et qui est lui-même ancien harcelé dit souhaiter la création d’un « délit de harcèlement scolaire » dans le code pénal. Aujourd’hui, assure-t-il, ce qui existe, ce sont des circonstances aggravantes liées à l’âge. Le texte actuel ne serait pas assez précis. Et la condition de « victime de harcèlement » ne serait pas reconnue. Qu’en est-il ?
VÉRIFIONS. Le harcèlement scolaire figure pourtant depuis 2014 dans le code pénal et depuis 2019 dans le code de l’éducation. Et les harceleurs sont inquiétés, selon Me Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l’éducation.
Certains élèves peuvent être exclus de leur établissement de façon temporaire ou définitive. Et être mis en examen sur le plan pénal. C’est par exemple le cas dans l’affaire d’Evaëlle, cette collégienne de 11 ans qui s’était pendue au barreau de son lit en 2019. Trois élèves, également âgés de 11 ans au moment des faits, sont mis en examen pour l’avoir harcelée. S’ils sont, in fine, reconnus coupables, ils relèveront de dispositifs spécifiques à caractère socio-éducatif car ils sont âgés de moins de 13 ans. Seuls les enfants de plus de 13 ans risquent des peines de prison et des amendes.
Sanction pénale depuis 2014
La réponse de l’Éducation nationale vise à faire cesser immédiatement le harcèlement au sein de l’école vis-à-vis de la victime, à donner une sanction pédagogique au harceleur, rappelle Me Valérie Piau. Cette réponse disciplinaire doit être extrêmement rapide pour faire cesser le harcèlement. La sanction peut aller jusqu’à l’exclusion définitive de l’établissement. Le jeune homme de 15 ans impliqué dans l’affaire d’Argenteuil devait précisément passer cette semaine en conseil de discipline au sein de son lycée. L’interdiction du harcèlement est fixée grâce à la Ioi n°2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance qui a fait entrer l’interdiction du harcèlement dans le code de l’éducation en son article L511-3-1 : « Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale ».
Il a fallu attendre la loi n°2014-873 du 4 août 2014 et l’article 222-33-2-2 du code pénal pour que le harcèlement scolaire puisse être sanctionné pénalement dans le cadre d’une infraction générale au titre du harcèlement moral. Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. Ces faits sont punis de façon plus forte lorsqu’ils ont été commis sur un mineur de quinze ans. Et lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, les faits sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 €.
Reste que si le harcèlement scolaire et les violences à l’école sont susceptibles de faire l’objet de condamnations correspondant à plusieurs infractions, « les procédures restent en pratique longues et inadaptées », a noté dans un récent rapport sur le sujet le député Erwan Balanant. « Le cadre juridique présente quant à lui encore certaines lacunes », insiste-t-il, notant l’inexistence d’un délit spécifique de harcèlement scolaire en droit pénal français, comme l’indique Hugo Martinez. L’existence d’un délit autonome de harcèlement scolaire « faciliterait le travail d’identification des situations par les forces de l’ordre, lesquelles lors d’un dépôt de plainte, doivent rechercher la nature de l’infraction ». La création d’un délit autonome renforcerait aussi selon lui l’efficacité de la prévention et de l’appréhension du phénomène dans sa globalité.
En résumé, Hugo Martinez ne peut dire que le harcèlement entre enfants est impuni. L’arsenal législatif existe même s’il pourrait, selon un rapport parlementaire, être amélioré.
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