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La scolarisation obligatoire est-elle constitutionnellement possible ?



L'avis du Conseil d'Etat, officiellement rendu ce jeudi, semble aller à l'encontre de la volonté d'Emmanuel Macron de mettre fin à l'école à la maison pour lutter contre les déscolarisations et l'islamisme radical.


La scolarisation obligatoire de 3 à 16 ans est-elle anticonstitutionnelle ? Le Conseil d’Etat doit rendre ce jeudi son avis sur cette question chère à Emmanuel Macron, inscrite dans l’article 18 du projet de loi «confortant les principes républicains» pour lutter contre l’islam radical et les séparatismes. Aujourd’hui, seule l’instruction est obligatoire, permettant à 50 000 enfants d’avoir école à la maison. Mais le président souhaite restreindre au maximum ce droit d’instruction à domicile dès la rentrée prochaine. Objectif, selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin: «sauver» des «griffes des islamistes» les enfants qui disparaissent des radars de l’école.


Quel est le rapport entre les jeunes instruits à la maison et l’islamisme radical ? Le Conseil d’Etat semble n’en voir aucun, comme le révèle le Parisien-Aujourd’hui en France qui a eu accès au projet d’avis ; «il n’est pas établi, en particulier, que les motifs des parents relèveraient de manière significative d’une volonté de séparatisme social ou d’une contestation des valeurs de la République, écrivent les juristes. Dans ces conditions, le passage d’un régime de liberté encadrée et contrôlée à un régime d’interdiction ne paraît pas suffisamment justifié et proportionné». Conclusion, le Conseil «écarte du projet [de loi] les dispositions relatives à l’instruction au sein de la famille».


«Macron essaie de biaiser»


La fin de l’école à la maison pose un problème juridique. L’instruction, et non la scolarisation, est obligatoire en France depuis la loi Jules Ferry de 1882. Elle garantit aux parents la liberté de choisir le mode d’instruction de leurs enfants à domicile, dans l’enseignement public ou privé sous contrat ou hors contrat. «Choisir l’instruction en famille ou mettre ses enfants dans une école hors contrat est une liberté fondamentale reconnue par les lois de la République et qui a donc une valeur constitutionnelle», précise Bernard Toulemonde, professeur agrégé de droit public. Deux arrêts de 1976 et 1986 de la Cour européenne des droits de l’homme vont aussi dans ce sens. «Emmanuel Macron essaie de biaiser sur le fait que c’est un principe a priori constitutionnel en précisant qu’il n’interdit pas l’instruction à domicile mais l’autorise de façon beaucoup plus limitée pour des enfants malades par exemple», remarque Valérie Piau, avocate spécialiste de l’éducation.


L’avis du Conseil d’Etat est consultatif, ce qui veut dire que le gouvernement ne sera pas obligé de suivre ses recommandations. Mais une fois la loi adoptée, elle pourrait toujours être retoquée par le Conseil constitutionnel, qui tranchera sur cette question.

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