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Devoir de réserve des enseignants : quelles limites à leur liberté d’expression ?

Deux enseignants de philosophie ont été suspendus par l’éducation nationale pour une durée de trois mois, suite à des propos qu’ils auraient tenus à répétition sur les réseaux sociaux, et donc, manquement à leur devoir de réserve. Que dit donc le devoir de réserve pour les enseignants ?Avec Valérie Piau avocate

Source : France culture, La Question du jour par Guillaume Erner.


Qu’est-ce que l’obligation de réserve des enseignants ?

Que sait-on des motifs retenus pour que cette sanction administrative - une suspension de trois mois - ait été prononcée ? “On leur reproche un manquement à l'obligation de réserve", explique l’avocate Valérie Piau, spécialiste des questions liées à l'éducation. "Il y a à la fois la liberté d'expression qui est un droit fondamental pour chaque citoyen mais en même temps, aucune liberté n'est absolue et les fonctionnaires ont des obligations en matière de réserve”.


Peut-on dire qu’il y a une distinction faite entre ce que l'on peut dire à un tiers de la classe et ce que l'on dit à l'extérieur de la classe s'agissant d'enseignants ?

Oui et non, répond l’avocate. Parce que l'obligation de réserve vaut à la fois pendant le temps scolaire mais également en dehors de ce dernier". Elle ajoute que “même un fonctionnaire qui est en congé est soumis à cette obligation de réserve. Même suspendu, il y a toujours cette obligation de réserve”.


Hiérarchie, circonstances, publicité, forme de l’expression… les critères du droit de réserve

“Bien évidemment, le fonctionnaire a le droit d'avoir ses opinions.”, rappelle Valérie Piau. “Simplement, le devoir de réserve consiste à encadrer cette liberté d'expression de ses opinions : il faut justement le faire avec réserve et retenue. Et il y a plusieurs critères. Le premier critère indique quelle est votre place dans la hiérarchie : plus vous êtes haut dans la hiérarchie, plus le devoir de réserve est strict. Elle précise que l’enseignant a valeur d'exemplarité, donc par rapport aux élèves et par rapport à l'institution, il transmet des valeurs". Le deuxième critère porte sur "les circonstances dans lesquelles l'enseignant s'exprime. Par exemple, un délégué syndical qui s'exprime dans le cadre de son mandat va avoir plus de liberté. Troisièmement, la question est quelle est la publicité ? Si vous vous exprimez dans un petit journal ou dans l'enceinte d'une école, cela ne va pas être la même chose que si c'est sur les réseaux sociaux et si vous avez beaucoup de followers. Enfin, le quatrième critère porte sur la forme de l'expression. Il ne faut pas que ce soit des propos outranciers ou injurieux, explique l'avocate. Dans le cas d'espèce, on leur reproche à la fois une publicité faite sur les réseaux sociaux, avec beaucoup de followers et des propos outranciers ou injurieux”.




Ces enseignants sont suspendus trois mois, une sanction qui peut paraître à plusieurs égard particulièrement sévère... Qu’en est-il de la proportionnalité de la sanction ? “C'est une sanction très dure, parce qu'il y a quatre échelles de sanctions et que l'on est là à l'avant-dernière, relève Valérie Piau. Au-dessus de cela, il ne reste que la révocation ou la mise à la retraite d'office. Il s'agit donc d'une sanction plutôt lourde et c'est une première dans la mesure où jusqu'à présent, la plupart des cas de sanction concernaient plutôt un enseignant qui à eu des propos extrémistes dans la classe".

Merci à Valérie Piau pour ses précieuses explications.





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