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7 propositions d’une avocate pour en finir avec le harcèlement scolaire


Valérie Piau, avocate spécialisée fait des propositions concrètes pour arrêter cette spirale infernale qui affecte les élèves.


Les récents suicides d'élèves harcelés rappellent encore une fois qu'il y a urgence à responsabiliser tous les acteurs de l'enseignement et à « tourner la page des mauvaises pratiques », pour reprendre les mots du Ministre de l'éducation nationale, Gabriel Attal. Dans le monde de l'enseignement, tout ne doit pas reposer sur la formation des acteurs, ni sur la capacité des parents à bien armer leurs enfants, ni même sur l'aptitude des jeunes à savoir se défendre contre la cruauté gratuite. Selon Valérie Piau , avocate spécialiste en droit de l'éducation, pour tourner la page des mauvaises pratiques en matière de lutte contre le harcèlement scolaire, il conviendra d'engager une véritable réflexion de fond. Voici ses 7 propositions.

Rendre obligatoire l'enquête administrative Dès lors que les parents signalent un dysfonctionnement qui porte atteinte à la santé et à la sécurité de leur enfant, il faudrait qu'une enquête administrative soit immédiatement diligentée, en lien avec l'inspection générale de l'éducation. Et que la famille soit tenue informée des suites de l'enquête, sans se voir reprocher sa démarche ou que l'on mette en doute la véracité des faits exposés, comme c'est encore souvent le cas aujourd'hui.

Donner la possibilité aux familles de saisir directement l'Inspection générale de l'éducation À l’heure actuelle, les parents n'ont pas la possibilité de saisir directement l'inspection générale en cas de dysfonctionnement probant. C'est regrettable. Ce type de dispositif existe dans la Police nationale : tout citoyen qui s'estime victime d'un dysfonctionnement peut en effet saisir l'IGPN, l'inspection générale de la Police nationale. En cas de dysfonctionnement lié à un harcèlement scolaire, un dispositif similaire serait un moyen, pour les familles, de déclencher une enquête administrative systématique. L'objectif des parents n'étant pas de mettre en cause les acteurs du monde éducatif, mais de faire cesser au plus vite la situation de harcèlement dont est victime leur enfant.

Mettre un tiers dans la boucle En tant qu'avocate spécialiste en droit de l'éducation, lorsque j'accompagne les familles confrontées à une situation de harcèlement scolaire, je saisis le plus souvent le Défenseur des Droits ainsi que le Médiateur académique. Parfois même, j'informe le ministre de l'Éducation nationale de la gravité de la situation, afin que le supérieur hiérarchique du Recteur soit officiellement avisé. Même sans l'aide d'un avocat, les familles peuvent saisir directement en ligne le Défenseur des droits et le médiateur académique. Depuis la loi de 2023 sur le harcèlement scolaire, dans les cas les plus graves, les familles ont aussi la possibilité de porter plainte auprès des services de police. En cas de harcèlement avéré, preuves à l'appui, l'établissement scolaire est alors tenu d'agir au plus vite. Dans tous les cas, il est important de systématiser la présence d'acteurs tiers.

Calquer le dispositif de protection de l'enfant sur celui des salariés en entreprise Dans le monde de l'entreprise, dès lors qu'un salarié signale au DRH des agissements malveillants dont il se sent victime, une enquête interne doit être diligentée. Les entreprises qui n'ont pas pris la mesure d'un danger dont elles avaient connaissance et qui ont manqué à leur obligation de protection s'exposent à de lourdes sanctions. Par ailleurs, l'employeur et le manager peuvent être poursuivis en cas de plainte de harcèlement. Un dispositif de protection similaire à l'égard des enfants devrait exister et être respecté. Or, à l'heure actuelle, ne pas agir en cas de harcèlement scolaire n'est pas systématiquement répréhensible. Pourtant, les élèves, comme les salariés en entreprise, ne doivent pas être victimes d'agissements qui portent atteinte à leur intégrité physique et psychique : se rendre à l'école sans subir de harcèlement est une liberté fondamentale. Dans la pratique, seules les fautes pénales sont sanctionnées, ce qui est assez rare, mais pas les manquements professionnels. Le personnel éducatif est, de ce fait, peu inquiété. Et rien ne fait en pratique obstacle à leur avancement. Maître Piau, avocate spécialisée en droit de l’éducation

Renforcer la responsabilité des acteurs de l'enseignement Dans les situations de harcèlement scolaire notamment, l'arsenal juridique est clair : le recteur et le Directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) doivent engager une enquête administrative auprès des acteurs sous leur responsabilité et prendre des sanctions à leur encontre, le cas échéant. C'est là que le bât blesse. Dans la pratique, seules les fautes pénales sont sanctionnées, ce qui est assez rare, mais pas les manquements professionnels. Le personnel éducatif est, de ce fait, peu inquiété. Et rien ne fait en pratique obstacle à leur avancement. Le problème n'est donc pas le cadre légal, mais le fait qu'il ne soit pas vraiment appliqué. Par ailleurs, en vertu du principe de substitution de responsabilité, les acteurs de l'enseignement ne peuvent être attaqués personnellement car l'État se substitue à eux en application de l'article L911-4 du code de l'éducation.

Accompagner les victimes et les harceleurs Le décret du 16 août 2023 étend aux écoles primaires la possibilité de changer d'établissement un élève harceleur. C'est une avancée. Il conviendra toutefois d'accompagner dans le temps les enfants harcelés, s'assurer que le harcèlement ne se poursuit pas sur les réseaux sociaux par le biais des complices du harceleur qui, bien souvent n'est que la tête pensante de tout un réseau.

Renforcer la prévention pour la réussite et le bien-être de tous L'école doit former les citoyens et les salariés de demain. Aussi, est-il crucial que tous les acteurs aillent dans le même sens et conjuguent leurs efforts dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Il a été prouvé que des enfants harcelés peuvent, à leur tour, devenir harceleurs dans le monde du travail. Il y a donc urgence à déployer des solutions pérennes, au plus haut niveau, dans l'intérêt des enfants, des parents, du corps enseignant, de l'établissement et de toutes les institutions concernées ». Une interview de Marie-José Gava, Coauteur du livre J’aide mon enfant à dire stop au harcèlement (ESF Sciences humaines, 2022) avec Sophie de Tarlé, rédactrice en chef du Figaro Étudiant.


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