Le 11 mai, les écoles vont progressivement rouvrir, mais tous les élèves ne pourront pas faire leur rentrée. Tandis que des critères de priorité sont définis par l’Éducation nationale, que se passe-t-il si un enfant est refusé à l’école ? Notre avocate experte Valérie Piau répond.
La question : A partir du 11 mai, les écoles vont entamer leur réouverture progressive. Dans une circulaire, l’Éducation nationale explique qu'il y aura un maximum de 15 élèves par classe. Comme tous ne pourront pas être accueillis, le ministère indique aux directeurs d’établissements quels sont les enfants qui doivent retourner à l’école en priorité. Les parents qui doivent remettre leur enfant à l’école mais dont l’enfant est refusé car il ne fait pas partie des prioritaires peuvent-ils contester cette décision ?
La réponse de Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l’éducation :
Dans le Code de l’Éducation, l’article L111-1 du Code de l’éducation garantit à chaque enfant à un droit à l’éducation. Le fait de dire qu’on peut refuser le droit d’aller à l’école à un enfant parce qu’il n’est pas prioritaire est problématique. C’est une violation du droit à l’éducation et du principe d’égalité. Il y a un risque d’illégalité et de rupture d’égalité entre les enfants. Le fait de prévoir des critères de priorité pose plusieurs problèmes. Selon la loi, l’éducation est obligatoire et chaque enfant de 3 à 16 doit être inscrit à l’école. Seule une autre loi peut déroger à ce principe. Il faudrait donc qu’il y a ait une loi d’urgence qui définisse des critères de priorité objectifs permettant de refuser à un enfant le droit d’aller à l’école.
Là, l’Éducation nationale a pris une circulaire du 4 mai 2020, édictant un certain nombre de critères, notamment pour préciser quels enfants peuvent être accueillis en priorité : les enfants en situation de handicap, de décrochage scolaire, ou les enfants de personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire et à la continuité de la vie de la nation. Il y a aussi des critères de niveaux pédagogiques (CP et CM2, grande section…). Le principe, quand il y a une loi, c’est que seule une autre loi peut la modifier. Une circulaire est une instruction note d'organisation interne à un service donnée par le Ministre, mais ce n’est pas une loi.
Ce qui est compliqué pour les écoles maternelles et primaires, c’est qu’elles obéissent à la fois aux mairies et aux inspecteurs de l’Éducation nationale. Un maire peut prendre un arrêté, qui est une décision municipale. Cet arrêté qui va définir quels enfants sont prioritaires ne peut pas changer une loi, il y a donc un risque de contradiction entre la loi et la circulaire de l’Éducation nationale du 4 mai 2020, et entre cette circulaire et les arrêtés municipaux. Dans cette situation, on voit que les parents et les écoles sont pris « en sandwich » avec des injonctions contraires de la part des différentes autorités, et qui sont en plus contradictoire par rapport à la loi.
Quels recours pour les parents ?
Si leur enfant est refusé à l’école primaire, ce que je conseille aux parents, c’est de contester le refus en expliquant pourquoi ils ont besoin de mettre leur enfant à l’école et en expliquant le fait que ni le principe d’égalité ni le droit à l’éducation ne sont respectés et qu’il y a une discrimination, en s’adressant à la mairie, à la direction de l’établissement, ainsi qu’à l’inspecteur de l’Éducation nationale et au recteur. Ils doivent envoyer la lettre par courrier recommandé au niveau d’une part de l’école, de l’inspecteur de l’Éducation nationale, du recteur et d’autre part à la mairie. Si la municipalité donne des consignes allant à l’inverse de la circulaire, il faut expliquer cela dans le courrier. Les parents peuvent aussi s’adresser au Défenseur des droits, compétent en cas de discrimination ou d’atteinte au droit d’un enfant, et au médiateur académique, qui peuvent être contactés via leurs sites, sur lequel il suffit de remplir un questionnaire.
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