COMPRENDRE ET COMBATTRE
LE HARCÈLEMENT SCOLAIRE
- 120 PROPOSITIONS -
Rapport de mission gouvernementale Erwan Balanant
En tant qu'avocate spécialisée en droit d'éducation depuis 20 ans, j’interviens fréquemment en matière de harcèlement scolaire. Mon cabinet agit en cas de dysfonctionnements du système. En effet, les familles viennent me consulter lorsque qu’après avoir avisé l’établissement scolaire, la situation de harcèlement perdure avec de lourdes conséquences pour leur enfant : phobie ou échec scolaire, états dépressifs, etc …
Pour lutter contre ce fléau qui s'étend désormais sur les réseaux sociaux et toucherait près de 700.000 enfants chaque année, le député Erwan Balanant a proposé 120 mesures dans un rapport intitulé : « Comprendre et combattre le harcèlement scolaire » et pour lequel j'ai eu l'honneur d'être auditionnée.
Ce rapport a été remis le 13 octobre 2020 aux ministres de l’éducation et de la justice, MM. Blanquer et Dupond-Moretti, et présenté à l’Assemblée nationale
Introduction
“C’est avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler un monde commun”.
Ces mots d’Hannah Arendt mettent en exergue le rôle clé de l’éducation et de l’accompagnement des enfants pour leur permettre d’évoluer au sein de la société et bâtir celle de demain. Mais quel monde commun souhaitons-nous réellement leur laisser ?
Notre société se caractérise encore par l’omniprésence de la violence et en particulier, du harcèlement. Au cours de la scolarité et des études supérieures, au travail, au sein du couple, dans les espaces publics, en ligne, sous des déclinaisons morales ou sexuelles, le harcèlement sévit à tous les stades de la vie, indépendamment des territoires ou des milieux sociaux.
La société civile dénonce souvent ces violences. L’exemple le plus éloquent reste incontestablement le déferlement des #MeToo et #balancetonporc, à l’automne 2017, lequel a contribué à opérer une prise de conscience collective autour du harcèlement, sous ses formes sexistes et sexuelles. Nous saluons ces actions, mais constatons avec effarement que les changements de mentalités en résultant sont trop lents, que de nombreuses vies continuent à être brisées...
C’est par des politiques publiques adaptées, largement diffusées et intransigeantes sur le respect d’autrui que nous devons lutter sans relâche contre le fléau du harcèlement !
C’est à l’école que nous devons commencer ce combat !
Tolérer la violence à l’école, c’est l’ancrer dans le développement des enfants et, en conséquence, la cautionner dans la société des prochaines décennies.
A l’inverse, inculquer, activement et dès le plus jeune âge, les principes du vivre-ensemble est un prérequis pour un renouvellement harmonieux de notre monde commun. Gageons, en effet, qu’un enfant responsabilisé et conscient des répercussions de ses agissements, deviendra un adulte respectueux de ses pairs, capable d’actionner avec eux des leviers de communication non violents.
La lutte contre le harcèlement scolaire représente, à cet égard, une véritable opportunité de mobiliser chacun autour d’un travail collectif destiné à créer une société plus apaisée. Ce travail collectif semble d’autant plus légitime que nous avons tous un vécu empreint de harcèlement scolaire : en tant que victime dans l’hypothèse la plus traumatisante, mais également comme auteur ou, le plus souvent, comme témoin. Cette circonstance devrait nous animer à poser, ensemble, le ciment d’une école bienveillante.
En outre, le harcèlement scolaire mérite, à lui seul, des anticipations et des réponses rapides, fermes. S’il constitue, bien souvent, la première manifestation du harcèlement à laquelle un individu se heurte au cours de son existence, il se traduit par une violence massive et ses effets sont particulièrement pernicieux pour les victimes. Les maux liés à ce phénomène sont sans appel.
Au niveau mondial, un tiers des enfants et des adolescents souffrent de cette violence . Des politiques de lutte particulièrement volontaristes ont été menées dans de nombreux pays, notamment les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie, la Pologne, la Norvège, la Finlande, Israël.
En France, 10 % des élèves sont affectés3, soit environ 700 000 élèves. Cela correspond, en moyenne, à 2 ou 3 enfants par classe. Il existe cependant des variations selon les âges : en primaire, 12 % des élèves sont touchés, contre 10 % au collège et 4 % au lycée.
Les cas les plus graves donnant lieu à l’intervention d’un avocat semblent connaître une répartition similaire. Comme nous l’a indiqué Maître Valérie Piau, avocate spécialisée en droit de l’éducation, 40 % de ces dossiers liés à des situations de harcèlement scolaire concernent des enfants de l’école primaire, 40 % se rapportent à des collégiens, majoritairement de sixième ou de cinquième, enfin environ 20 % intéressent des lycéens.
Le phénomène impacterait les enfants de manière plus précoce et se renouvelle également sous de nouvelles formes, notamment le cyber-harcèlement, qui en constitue désormais un prolongement quasi-systématique. Les agressions en ligne atteignent d’ailleurs une proportion d’élèves allant bien au-delà de ceux qui sont harcelés, puisque 20 % des collégiens déclarent en avoir subi au moins une.
Les victimes de harcèlement scolaire sont bien souvent dévastées. La peur des agressions à l’école expliquerait environ 25 % de l’absentéisme au collège et au lycée'. Plus alarmant encore, un quart des victimes de harcèlement scolaire a déjà envisagé le suicide8. Il n’est malheureusement pas rare qu’elles franchissent le pas, commettant alors l’irréparable.
Mattéo Bruno, Marion Fraisse, Christopher Fallais, Thybault Duchemin, Evaëlle Dupuis... Ou encore Jonathan Destin, qui a tenté de s’immoler par le feu. Les passages à l’acte se succèdent et défraient tristement la chronique...
En parallèle, de nombreuses situations, toutes aussi dramatiques, restent anonymes ou non médiatisées... Lire la suite
Pour en savoir un peu plus sur le harcèlement et le cyber-harcèlement, le Cabinet Piau vous informe : rendez-vous sur la page du site consacrée à cette thématique.