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La création d’un délit de harcèlement scolaire divise députés et sénateurs

Les deux chambres ne sont pas parvenues à s’entendre sur la création d’un tel délit, qui ne fait pas consensus non plus dans le monde associatif. Les sénateurs craignent notamment « une judiciarisation accrue envers les enseignants ».


Difficile de trouver un compromis. Si la lutte contre le harcèlement scolaire est érigée en priorité par la représentation nationale, la création d’un délit spécifique sème la discorde entre parlementaires. Les députés ont adopté en première lecture, début décembre 2021, la proposition de loi, soutenue par le gouvernement, qui instaure cette nouvelle infraction. Fin janvier, les sénateurs ont détricoté le texte, préférant l’introduction de circonstances aggravantes au délit de harcèlement moral. La commission mixte paritaire n’est pas parvenue à réconcilier ces deux visions. Retour à la case départ donc, ce jeudi 10 février, avec le rétablissement, dans les grandes lignes, du texte initial des députés.


Un élève sur dix serait victime de harcèlement, mais les plaintes concernent une minorité de cas. A quoi servira alors ce délit spécifique ? Pour Erwan Balanant, le député MoDem à l’initiative du texte, pas de doute : « Comment percevoir l’interdit quand il est peu lisible ? L’inscription d’un délit de harcèlement scolaire dans le code pénal sera plus claire et plus expressive. Elle permettra de fonder une action pédagogique de prévention. » Le texte prévoit jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende pour les faits les plus graves. Un stage de « sensibilisation aux risques liés au harcèlement » pourra être proposé aux élèves harceleurs comme mesure alternative aux poursuites.


Côté sénateurs, la création de ce délit n’est pas utile. « La portée de ce texte est principalement symbolique. L’arsenal juridique existe. Il faut simplement le faire connaître », assure le sénateur Les Républicains Olivier Paccaud.


« Faire évoluer les mentalités »

Ces dissensions s’expriment aussi au sein des associations. Hugo Martinez a fait de la création de ce délit un « combat personnel » : « Les adultes sont aujourd’hui mieux protégés que les enfants sur les faits de harcèlement. Il est temps de reconnaître leurs souffrances et leur statut de victime », dit le président de l’association Hugo. Pour Nora Fraisse, fondatrice de l’association Marion la main tendue, au contraire, « c’est beaucoup d’énergie pour rien, alors qu’il faut avant tout se concentrer sur la prévention. Le harcèlement est un phénomène de meute. Cette loi a tendance à l’oublier. »


Sur le terrain, l’avocate Valérie Piau se montre favorable au texte. Une centaine de familles la contacte chaque année pour des faits de harcèlement. Une minorité va jusqu’à porter plainte. « Cette proposition de loi permettra de faire évoluer les mentalités. Les élèves harceleurs n’ont pas toujours conscience de la gravité de leur acte, surtout en matière de cyberharcèlement », se rend-elle compte. Cette inscription dans le code pénal pourra aussi « conforter l’accueil de la plainte au sein des commissariats », selon la spécialiste en droit de l’éducation.


Si la création de ce délit ne fait pas consensus, elle n’est pas la seule pierre d’achoppement entre les parlementaires. Pour le Sénat, la proposition de loi ne doit concerner que le harcèlement entre élèves pour éviter « une judiciarisation accrue envers les enseignants dans un contexte de défiance accrue », souligne Olivier Paccaud. Les députés, eux, intègrent tous les types de harcèlement : entre élèves, mais aussi entre élèves et personnels de l’éducation nationale.


En outre, le texte comporte des mesures de prévention adoptées par les deux chambres. M. Paccaud regrette « le caractère inflexible des députés », alors que la mécanique parlementaire leur donne le dernier mot. La lecture définitive du texte est prévue le 24 février, à l’Assemblée nationale.




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