Droit de retrait : « s’il est exercé à tort, le professeur peut ne pas être payé et s’expose à des sanctions pour abandon de poste »
Avocate spécialiste en droit de l’éducation, Maître Valérie Piau rappelle qu’exercer son droit de retrait lors de la rentrée du 11 mai peut être risqué pour un enseignant.
Maître Valérie Piau est spécialiste en droit de l’éducation et auteure du Guide Piau, les droits des élèves et des parents d’élèves
Les enseignants pourront-ils utiliser leur droit de retrait le 11 mai ?
Ils prennent un risque en l’invoquant. La Foire aux questions du site de l’Education nationale indique bien que le droit de retrait ne peut être utilisé à partir du moment où l’employeur respecte les recommandations sanitaires et de sécurité. Il y a d’ailleurs eu un précédent au moment de la grippe H1N1, lors de laquelle le gouvernement avait décidé que la pandémie de l’époque était un motif injustifié pour exercer son droit de retrait.
Les enseignants qui décideront de faire appel au droit de retrait prennent donc un risque important qu’il soit considéré comme injustifié, puisque la précédente pandémie n’était pas un motif suffisant pour l’invoquer. Bien sûr, les personnels à risque pourront l’exercer. Toute personne dont l’état de santé présente une menace grave et imminente, par exemple les personnes diabétiques ou les femmes enceintes, pourront le faire en évoquant un risque particulier qui leur est propre. Que risquent les enseignants en l’exerçant tout de même ? Si le supérieur estime que l’enseignant a exercé à tort son droit de retrait, il y aura une enquête par l’Inspection du travail. S’il est jugé qu’effectivement le droit de retrait n’est pas justifié, le professeur pourrait ne pas être payé et s’expose à des sanctions disciplinaires pour abandon de poste.
Dans de nombreux établissements, les conditions sanitaires ne sont pas idéales (pas de savon dans les toilettes, par exemple). Dans ce cas, est-il possible pour les personnels d’exercer leur droit de retrait ?
Cela était effectivement courant, mais avant le coronavirus ! Si bien sûr, à la rentrée, il n’y a pas de gel hydroalcoolique ni de savon dans l’établissement scolaire, les personnels pourront faire valoir que les précautions n’ont pas été prises.
Jean-Michel Blanquer a annoncé hier que le retour à l’école ne serait pas obligatoire dès la rentrée. Or, certains chefs d’établissements imposent aux élèves d’être présents. Quelle parole prévaut dans ce cas ?
Jean-Michel Blanquer a effectivement laissé la possibilité aux parents de ne pas remettre tout de suite leur enfant à l’école si l’enseignement à distance était poursuivi pour l’enfant. Aujourd’hui, ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction. Cependant, le Code de l’éducation encadre avec des règles strictes l’instruction à la maison. Les parents doivent avoir fait une déclaration à la mairie, des contrôles sont effectués…
Si aujourd’hui, Jean-Michel Blanquer affirme que l’obligation scolaire peut être remplie à la maison en s’affranchissant de ces règles, il ne peut pas y avoir de sanctions pour les familles si elles ne mettent pas leur enfant à l’école. La parole du ministre prévaut, à une condition : qu’elle soit confirmée officiellement, par une circulaire, un courrier aux chef d’établissement, ou a minima un écrit sur le site du Ministère.
Il faudra aussi faire très attention, pour les élèves qui sont en 3e, 1ère et terminale, qui passent le bac ou le brevet, ou qui sont en cours d’orientation. Les notes obtenues pendant le confinement ne compteront pas, mais les notes après la reprise seront consignées dans le livret scolaire, qui sera pris en compte pour décrocher le brevet ou le bac. Attention également aux risques pour l’orientation, celle-ci étant décidée en tenant compte des annotations du 3e trimestre.
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