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Blocage du nouveau bac : le rectorat de Paris en quête d’une issue


Dans trois établissements, les proviseurs demandent aux lycéens de s’engager à ne pas perturber les épreuves, qui vont être délocalisées.


Par Mattea Battaglia Publié 09/03/20 à 04h23, mis à jour à 11h26


Quelques établissements parisiens jouent leur va-tout : une « lettre d’engagement » adressée aux lycéens et à leurs parents. MARTIN BUREAU / AFP


Jusqu’où peut-on aller pour parachever la première session des E3C ? Alors que ces épreuves communes de contrôle continu, introduites par la réforme Blanquer en classe de 1re, devraient déjà être achevées, quelques établissements parisiens où la contestation perdure jouent leur va-tout : une « lettre d’engagement » adressée aux lycéens et à leurs parents.


L’initiative, qui émane de trois lycées (« trois sur cinquante-neuf », tempère-t-on au rectorat de Paris), a mis le feu aux poudres parmi les familles concernées. « Des familles mi-inquiètes mi-indignées », soulignait dimanche 8 mars Jean-André Lasserre, porte-parole de la FCPE-Paris, au sortir d’une rencontre avec les parents d’élèves du lycée Ravel.



Le courrier de cet établissement du 20e arrondissement, qu’ils viennent de recevoir, se résume à trois lignes : « Je souhaite repasser l’épreuve des E3C d’histoire-géographie, LVA et LVB [les langues vivantes] et je m’engage à ce qu’elle ne soit perturbée en aucune façon. » Parents et élèves devaient le signer et le rapporter « impérativement », lundi, au lycée. Il semble que beaucoup hésitent à le faire. Ou songent à modifier le texte.


« Aller à Canossa »


« L’engagement revient à faire peser sur les lycéens la responsabilité des blocages d’épreuves mais aussi la responsabilité de leur bonne marche, fait valoir M. Lasserre. Or, nul n’ignore que les difficultés rencontrées lors de cette première session [dont ont fait état près d’un lycée sur deux, selon les proviseurs du SNPDEN-UNSA] dépassent les élèves. Avec ce type de courrier, c’est un peu comme si on demandait aux lycéens d’aller à Canossa. »


Même son de cloche des syndicats d’enseignants, SUD-Education et SNES-FSU en tête. « On demande aux élèves de faire amende honorable, réagit Ketty Valcke, du SNES-Paris. N’y a-t-il pas un risque de mettre de l’huile sur le feu ? »


Le courrier reçu par les parents du lycée Turgot, dans le 3e arrondissement, se présente également comme un « acte d’engagement » – expression qu’il reprend d’ailleurs noir sur blanc. En le signant, les responsables légaux attestent que leur enfant « sera présent aux épreuves » (déjà reportées à trois reprises) et qu’il « composera dans le calme ».


Un document qui, du point de vue du droit, n’a pas grande valeur, estime l’avocate Valérie Piau, spécialiste de l’école. « Passer les épreuves de rattrapage est un droit, qui n’est conditionné à rien, et reconvoquer les épreuves, quand la passation en a été empêchée, est une obligation légale », rappelle-t-elle. Il n’empêche : les élèves absents sans justification pourront se voir sanctionner d’un zéro, une note qui n’est pas éliminatoire au baccalauréat.


Le troisième texte qui circule a, lui, été directement soumis aux lycéens, convoqués par la direction du lycée Hélène-Boucher, gros établissement du 20e arrondissement. Les élèves signataires y reconnaissent ne pas avoir « réussi à rentrer composer le 6 février à cause du blocus », le « regretter », et souhaiter repasser l’épreuve « sans qu’elle ne soit perturbée en aucune façon ». « Intimidation », soufflent nombre d’enseignants. Les épreuves ont, depuis, été organisées sans obstacle majeur, assure-t-on au rectorat de Paris.



« Nous sommes en train de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les lycéens, au nom du principe d’égalité, puissent composer sereinement », assure le recteur Gilles Pécout. Un millier d’élèves – sur près de 60 000 en 1re – sont encore dans l’attente de passer une ou plusieurs épreuves, précise-t-il. Sont concernés, outre Ravel et Turgot, les lycées Voltaire, Colbert et Diderot. « Les proviseurs, pour certains confrontés à des épisodes de blocage d’une rare violence, ont communiqué sur leur situation particulière dans le seul but d’informer les familles de la situation », défend M. Pécout. Eux disent plutôt avoir agi dans le « seul souci » d’éviter un « zéro pointé » à leurs élèves. Ces derniers devraient recevoir, dans les jours qui viennent, une nouvelle convocation pour pouvoir recomposer.


Sécuriser la passation


Car une sortie de crise se dessine, promet-on au rectorat de Paris. Interrogé sur les blocages le 3 mars, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, avait dit ne pas exclure une « délocalisation » des épreuves dans des centres d’examen. L’« ultime solution » face aux bloqueurs. C’est bien la piste retenue à Paris : lors d’une réunion de proviseurs convoquée au rectorat, le 7 mars, décision a été prise de « délocaliser » les E3C dans neuf autres établissements parisiens pour les élèves des cinq lycées encore bloqués. Pour sécuriser la passation, les convocations auraient lieu en dehors des horaires classiques – les mercredis ou les samedis par exemple. Les personnels de la maison des examens d’Arcueil (Val-de-Marne) seraient mis à contribution. « On en voit le bout, affirme le recteur. La première session sera bouclée dans les deux semaines. »


C’est que le temps presse : des commissions d’harmonisation des notes sont programmées à compter du 11 mars. C’est aussi la date à laquelle le comité de suivi de la réforme du lycée doit proposer des « aménagements » des E3C, certains susceptibles de porter sur le calendrier de la deuxième session, censée débuter dès avril. « Trop tôt », martèle Claire Guéville, du SNES-FSU, syndicat majoritaire qui continue de réclamer le retour à une « évaluation nationale et terminale » et l’annulation des sessions du contrôle continu. La réforme du baccalauréat en prévoit trois (deux en 1re, une en terminale), valant pour 30 % de la note finale.


En dehors de Paris, une dizaine d’établissements seraient encore à la peine. Rue de Grenelle, on temporise : plus de 1,7 million de copies – sur les 1,741 million attendues – sont déjà « rentrées », « numérisées », et même, pour nombre d’entre elles, corrigées. Le défi est d’obtenir les 41 000 dernières.


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