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#balancetonbahut, #14septembre : des jeunes filles dénoncent le sexisme au lycée

Par Violaine Morin Publié le 15 septembre 2020


Source : extrait de l'article à consulter https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/15/balancetonbahut-14-septembre-des-jeunes-filles-denoncent-le-sexisme-au-lycee_6052311_3224.html

Depuis le 12 septembre, les témoignages se multiplient en ligne pour dénoncer le sexisme dans les établissements scolaires, jugés plus regardants sur les tenues des filles que celles des garçons.


Il faisait une chaleur estivale, vendredi 11 septembre, quand Lou s’est préparée pour aller en classe. La jeune fille de presque 17 ans, qui préfère rester anonyme, est scolarisée dans un lycée de l’Essonne. « J’ai mis un pantalon taille haute, un crop top [un tee-shirt qui laisse voir le nombril] ras du cou et une chemise par-dessus »,décrit-elle.

« Vers 15 h 30, j’ai croisé une AED [assistante d’éducation] qui m’a dit “je suis sûre qu’ils vendent des tee-shirts à ta taille au magasin”,poursuit Lou. Cette remarque m’a énervée. Mes amies avaient eu des réflexions du même genre plus tôt dans la journée. J’ai dit à voix haute, “c’est vrai que ça va faire bander les garçons”. »


Le lendemain, Lou poste sa photo sur Twitter, dans sa tenue de la veille, assortie de la mention « #balancetonbahut ». Apparu dans la soirée du 11 septembre, ce hashtag veut dénoncer le harcèlement, les agressions sexuelles et le sexisme dans les établissements scolaires, contre lequel certaines jeunes femmes ne se sentent pas protégées par les adultes. Rapidement, la teneur des témoignages s’est élargie à la question des règlements intérieurs sur la tenue, jugés discriminants envers les filles, contraintes de « se couvrir ».

Des dizaines de récits fleurissent alors sur Twitter, dont beaucoup accompagnés de photos où les jeunes filles – en général des lycéennes – montrent les tenues qui leur ont valu des remarques de la part des surveillants, conseillers principaux d’éducation (CPE), ou chefs d’établissement.


(...)


« Un vrai problème »

A l’origine de #balancetonbahut, un groupe de militantes féministes de Clermont-Ferrand, qui voulait dénoncer la situation spécifique d’un lycée de la ville. « En quelques heures, on a eu des dizaines de témoignages sur tout Clermont,raconte Emma, membre du groupe spécialisé, à l’origine, dans les collages antiféminicides. On s’est dit que si autant de gens réagissaient, c’est qu’il y avait un vrai problème. On a créé #balancetonbahut pour parler des agressions sexuelles et du harcèlement, mais assez vite, les gens se le sont approprié en ligne pour parler des restrictions sur les tenues, sans doute parce que cela touche plus de monde. » Lundi, le collectif revendiquait 30 000 usages du hashtag sur Twitter et 500 000 vues sur l’application TikTok.


La question des tenues « correctes » ou « appropriées » au lycée est en effet récurrente, selon Valérie Piau, avocate spécialisée dans le droit de l’éducation. Elle dit être saisie d’une quinzaine de cas par an : « Il s’agit le plus souvent de jeunes filles, en général en lycée privé, à qui l’on a refusé l’entrée ou donné une punition à cause de leur tenue. »

Le code de l’éducation est flou en ce qui concerne la tenue des élèves, ne mentionnant que le port de signes religieux ostentatoires. La compétence revient donc à l’établissement. « Si certains font des listes, interdisant explicitement les joggings ou les tongs, la plupart se contentent d’écrire “tenue correcte exigée” », poursuit Valérie Piau.


« Maladresse »

Mais la définition de ce qui est correct ou pas est variable. « C’est donc une norme édictée par la direction de l’établissement, selon ses propres critères. Et au-delà d’un certain point, les familles peuvent considérer qu’il y a une atteinte à la liberté individuelle », juge l’avocate, qui recommande toujours aux familles de dialoguer avec le chef d’établissement avant d’en appeler à la hiérarchie de l’éducation nationale.

« IL S’AGIT D’APPRENDRE DES CODES, PAS DE COMMENTER LA DÉCENCE D’UNE TENUE » FLORENCE DELANNOY

« Dans tout ce qu’on lit depuis quelques jours, je vois surtout beaucoup de maladresse, estime, pour sa part, Florence Delannoy, secrétaire générale adjointe du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, SNPDEN-UNSA. Avec, derrière, la volonté d’apprendre aux jeunes les codes de la vie adulte. »Dans son lycée, par exemple, le règlement réclame une « tenue appropriée à un établissement d’enseignement ». « J’explique aux élèves qu’il faut choisir sa tenue pour aller travailler, comme on choisit sa tenue pour aller danser. Il s’agit d’apprendre des codes, pas de commenter la décence d’une tenue, ce qui relèverait du jugement de valeur. »

Interrogé sur le sujet, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a défendu « une position d’équilibre et de bon sens ». « Il suffit de s’habiller normalement et tout ira bien », a-t-il balayé, assurant que les chefs d’établissement étaient « dans leur rôle », en faisant « respecter des tenues normales ». Une réponse qui n’a pas manqué de faire réagir en ligne, où les internautes s’interrogent sur la définition de la « tenue normale ». Définition qui n’existe pas dans la loi, et dont les lycéennes dénoncent, précisément, la géométrie variable.


Que dit le code de l’éducation sur la tenue vestimentaire ?

Le texte qui régit le fonctionnement des établissements scolaires n’interdit aucune tenue vestimentaire, en dehors des signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse. La définition de la tenue à adopter revient donc à l’établissement, qui vote son règlement intérieur en conseil d’administration, en présence de représentants de toute la communauté éducative. Celui-ci est plus ou moins explicite sur les accessoires ou tenues interdites. En revanche, le code de l’éducation prévoit des procédures de sanction disciplinaire. Renvoyer un élève chez lui en raison de sa tenue constitue une exclusion temporaire, qui ne peut être prononcée qu’après entretien avec l’élève et ses parents. Dès lors, refuser l’accès à l’établissement pour une tenue jugée « inappropriée » est contraire au code de l’éducation.


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